Serais-je le concepteur ou l’âme secrète
du Front commun pour le Congo ? Au vu des réactions violentes et bassement
injurieuses qu’a suscitées mon adhésion à la Charte constitutionnelle de cette
nouvelle force politique, on pourrait le croire. Pourtant, je n’en suis que le
100e signataire, en tant que « personnalité indépendante », sur une
longue liste de quelques centaines de personnes, partis et associations.
Dois-je rappeler que je suis un homme libre, qui ne
reconnaît à personne le droit de lui dicter sa pensée, ses opinions, ses choix,
ses actes ? Dois-je aussi
rappeler que le temps terrible du parti unique et de la pensée unique a sombré avec la chute sans honneurs de la République mobutiste ?
Ces condamnations et ces injures montrent à quel
niveau de médiocrité est tombée la politique congolaise. Engoncés dans la
pensée unique et embourbés dans la misère matérielle, beaucoup sont persuadés
qu’on ne prend des engagements que pour gagner de l’argent. Comment peut-on
être assez imbécile pour penser qu’à mon âge, après la carrière qui est la
mienne et dont je m’honore, je serais assez idiot pour ramper sous la table du
prince en vue de grappiller quelques miettes du supposé festin ?
Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’en
tous lieux et en tous temps « savants » et
« intellectuels » doivent se placer « au-dessus de la
mêlée ». Il
leur faut, certes, établir leur singularité et leur renom sur la base de leurs
travaux. Mais, comme l’ont démontré tant d’autres avant moi en Afrique et
ailleurs, il est des moments où le savant doit savoir quitter sa « tour
d’ivoire » pour contribuer à éteindre l’incendie et à assainir les
bourbiers. C’est ce que j’ai choisi de faire en m’associant au Front commun congolais. C’est mon droit le
plus absolu. En politique, quand on choisit « pour », on choisit en
même temps « contre ». Mon choix veut dire que je ne suis pas de ceux
qui croient aux fils à papa, aux Berlusconi « modèle africain », ou
aux porteurs de croix et de goupillons.
Mon adhésion au FCC s’inscrit dans la continuité de
mes engagements. J’ai trois champions en RD Congo : la prophétesse Kimpa Vita, condamnée par l’Inquisition
et brûlée vive (1706) pour avoir combattu l’esclavage et la déportation des
Congolais aux Amériques ; le prophète Simon
Kimbangu, condamné à mort pour avoir annoncé qu’« un jour le Noir sera blanc et le Blanc
sera noir » et qui a croupi trente ans en prison (1921-1951) ; et Patrice Lumumba, bien sûr, assassiné par les colonialistes belges, dont les héritiers s’arrogent
aujourd’hui le droit de donner des leçons de démocratie et de « bonne
gouvernance » aux Congolais ! Je ne peux donc m’associer aux prétendus « opposants » qui, pour signer leur manifeste
fondateur, n’ont trouvé d’autre endroit qu’une obscure banlieue de Bruxelles !
La vie politique congolaise a trop
longtemps été un combat de coqs alimenté de trahisons, de retournements et
de ralliements spectaculaires, tôt ou tard démentis, jamais clairement
expliqués aux citoyens, réduits au rôle de spectateurs criards, manipulables à
souhait, appelés à soutenir les « grands hommes » au nom d’arguments
régionalistes, ethniques, xénophobes, avec l’aide de ces innombrables
« frères en Dieu » dont on sait qu’ils ne crachent pas sur les
espèces sonnantes et trébuchantes.
La raison d’être du
FCC est d’essayer de sortir de ce gigantesque bourbier. Avant le FCC, j’ai
participé, toujours en tant que personnalité indépendante, à plusieurs
initiatives visant à aplanir des divergences nationales. Durant les Concertations
nationales (2011), j’ai plaidé au sein de la Commission des conflits, présidée
par Thomas Luhaka (alors membre du Mouvement de libération du Congo, de
Jean-Pierre Bemba), plusieurs dossiers cruciaux, dont celui du statut des
« Congolais de l’étranger » et celui des moyens que, à notre avis, le
gouvernement devait fournir à Jean-Pierre Bemba pour recruter les avocats les
plus à même d’assurer sa libération.
J’ai participé, en cette même qualité de personnalité
indépendante, à la grande réunion de réconciliation-conciliation, présidée
par Edem Kodjo : mon groupe a proposé le schéma actuellement en place (Joseph Kabila
président, un Premier
ministre issu de l’opposition).
À la suite des tractations destinées à ramener
l’Église catholique dans le forum, j’ai été de ceux qui pensaient qu’elle avait
quitté sa place « au milieu du village » en se posant comme juge et
partie. Dans cet État laïc qu’est le Congo (article 1 de la Constitution),
les institutions religieuses doivent éviter de se mêler de politique et laisser
leurs fidèles jouer pleinement leur rôle de citoyens. Puisque tel n’a pas été
le cas, je n’ai pas cautionné l’« Accord du 31 décembre 2016 ».
Le FCC n’est pas le parti de Joseph
Kabila : « son » parti (le Parti du peuple pour la
reconstruction et la démocratie, PPRD) n’est que l’un des signataires de la
Charte. Le credo du FCC (à chacun d’en prendre connaissance) est un ensemble de
principes inséparables de l’État de droit. Sa ligne politique fait écho aux
ambitions issues des longues luttes du peuple congolais et à sa détermination à
prendre sa part dans le combat contre le désordre mondial actuel, fondé sur de
multiples prédations, dont le Congo est l’une des principales victimes. Il m’appartient de travailler avec les nombreuses
associations membres du FCC à produire un projet politique et un programme de
gouvernement. C’est aux citoyens qu’il
appartiendra de choisir. In JA
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